La poésie du départ
« Si je réussis un jour à écrire un beau vers, je n’aurai pas gâché ma vie » ! avait confié un jour Henri Maux à son ami Vadime Elisseeff. Et comme s’il devait représenter un pont entre sa vie intérieure et son parcours diplomatique « Partir » est le titre de quelques lignes, retrouvées parmi ses notes inspirées par ses déplacements à ce haut fonctionnaire, que la France a décidé d’envoyer en mission dans le tumulte asiatique des années 1945-1950.
« La flêche et l’horizontale. Se darder vers l’avenir
Tout lâcher et tout attendre. Tout saisir et tout retenir.
Le coeur comme une voile. Gorge sèche et yeux humides
Douceur de ce que j’abandonne et fièvre de ce que j’attends…. mais partir… »
Grâce au talent de sa fille, le lecteur peut à son tour partir, et grâce aux nombreuses anecdotes extraites de notes, de témoignages ou d’archives, remonter le temps dans les conditions d’un voyage d’agrément, pour découvrir le charme de la culture, des paysages, des modes de vie de ce monde asiatique en pleine effervescence, à une période charnière de son histoire. l’auteur réussit le tour de force de ne pas sacrifier au roman, et de conserver à chaque instant la rigueur de l’historien.
Profitant du positionnement multi-faces d’Henri Maux, Antoinette Maux-Robert nous introduit dans les coulisses de l’histoire de l’immédiat après-guerre. Henri Maux est en effet un conseiller très écouté du général Pechkoff, ambassadeur de France en Chine. Il joue un rôle de premier plan dans la création de la Mission économique française d’Extreme-Orient (MEFEO) et participe activement aux premières conférences économiques de l’ONU sur l’Asie. A l’image de sa vie, il trouvera la mort le 12 juin 1950, en mission, dans un accident d’avion dont l’auteur s’est attaché à reconstituer avec minutie les circonstances exactes.
Antoinette Maux-Robert signe avec cet ouvrage le dernier livre sur la vie et la carrière d’Henri Maux son père, à qui elle réussit, par un style alerte et vivant, à rendre un hommage à la fois filial et de qualité universitaire.
(Gilles de Rivoyre, éditions de l’Ouest)